A la mémoire de Malek Le monde islamique en deuil…

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Par Sadek Sellam

Un de ses enfants les chers, le grand penseur Malek Bennabi n’est plus. France-Islam adresse à sa famille, à l’Algérie ainsi qu’à tous les peuples islamiques ses condoléances les plus attristées.
L’écrivain de la renaissance musulmane Malek Bennabi est mort le 31-10 dernier à Alger après une longue maladie, à l’âge de 68 ans. France-Islamprésente ses condoléances à sa famille et à ses disciples dans tout le monde musulman. Qui est cet homme dont la valeur est connue chez certains et que beaucoup de jeunes musulmans ignorent ?

Sa vie : M. Bennabi est né en 1905 à Tebessa, dans l’est algérien. Il y fait ses études primaires ; poursuit ses études secondaires à Constantine où il a été « le témoin » de l’action islahiste naissante d’Abdelhamid Ben Badis (action qu’il analysera plus tard dans « Vocation de l’Islam »). Il arrive à Paris en 1930 pour entrer dans une école d’électricité d’où il sortira ingénieur. Une fois ses études terminées, il refuse de s’employer en tant qu’ingénieur au service de l’administration coloniale préférant les travaux manuels aux côtés de ses frères immigrés et illettrés. Il se consacre à la réflexion sur l’Islam et la société musulmane. Il anime un centre de formation pour les émigrés à Marseille vers la fin des années 30. Il publie son livre « Le phénomène coranique » en 1946 où il étudie les questions relatives à la foi et à la science. Il continue son activité d’écrivain à Paris qu’il quitte en 1956 pour aller rejoindre le F.L.N. au Caire. Il rentre en Algérie en 1963. Il occupe le poste de directeur de l’enseignement supérieur durant plusieurs années. Il se met au service des étudiants en animant le centre d’orientation culturelle à partir de 1964. Il donne sans cesse des conférences aussi bien à l’intérieur de l’Algérie qu’à l’extérieur. Parmi les plus importantes conférences tenues à Alger : « De l’idéologie » ; « De la culture » ; « De la civilisation» (1963); «Le sens de l’étape» (1970 – sur la lutte idéologique. Il fait des périples en Lybie, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis, en Europe, où il s’adresse en particulier aux étudiants. L’une des dernières conférences qu’il a tenue à Damas s’intitule : « Le rôle du musulman dans le dernier 1/3 du 20e siècle ». A noter que Bennabi était membre du centre d’Etudes Islamiques du Caire.
Ses livres et études. « Le phénomène coranique » (1946) ; « Lebbeïk » (1947), «Les conditions de la renaissance» (1948); «Vocation de l’Islam» (1954); «Idée d’un commenwealth Islami¬que» (1958); « LAfro-asiatisme » (1959). «La lutte idéologique dans les pays colonisés» (1957); «Le problème des idées dans le monde musulman » (1960) ; « Le problème de la culture » (1957) ; «Naissance d’une société » (1960) ; « Dans le souffle de la bataille» ; «SOS Algérie»; «Réflexions» (1959); «Perspectives Algé-riennes» (1964); «Mémoires d’un témoin du siècle» Tome 1 (1965) ; « L’œuvre des orientalistes et son influence sur la pensée islamique moderne» (1968); «Islam et démocratie» (1968); « Mémoires d’un témoin du siècle » tome 2 (1970).
« Le musulman dans le monde de l’économie » (1972). L’auteur a laissé un certain nombre d’écrits inédits. A noter qu’à partir de 1958, Malek Bennabi a écrit certains de ses livres en arabe. Ceux de ses livres écrits directement en français ont été traduits e arabe.

L’ALTERNATIVE DE MALEK BENNABI : « MISSION OU SOUMISSION ».
Problème d’une civilisation ; le problème de la culture ; le problème de idées dans le monde musulman : tels sont les problèmes qu’a posé Malek Bennabi. Il les a posés parce qu’il les a vécus II les a étudiés parce qu’il est né dans une société qui en a souffert. Il les a bien analysés parce qu’ayant vécu dans deux sociétés totalement différentes, tellement différentes que l’une, la sienne, était colonisée par l’autre, il était bien placé pour saisir les éléments essentiels qui régissent la vie des nations et les lois auxquelles obéissent les cultures et les civilisations.

Né dans un pays colonisé, Malek Bennabi était un révolté contre l’ordre colonial comme la plupart de ses concitoyens. Mais sa position ne se limite pas uniquement à la simple indignation qui, selon Malraux, « n’est pas une valeur suprême ». Pour Bennabi la colonisation n’est que la conséquence d’un autre phénomène : la colonisabilité. « On n’est colonisé que si l’on est colonisable. On cesse d’être colonisé lorsqu’on cesse d’être colonisable » écrivait-il. Et c’est cette colonisabilité que Bennabi propose d’éliminer en préconisant la transformation de l’homme, qui est la clé de tout autre changement, pour en faire l’agent d’un nouveau cycle de civilisation islamique. Car pour Bennabi, il n’y a pas de problème algérien et de problème indonésien : ils relèvent d’un même et seul problème, celui de toute la civilisation islamique. Il croyait fermement en la renaissance. Il en a analysé des conditions avec une méthode caractérisée par une discipline intellectuelle qu’un journaliste français a comparé à la discipline militaire, et par une rigueur scientifique qui ont fait défaut au monde musulman depuis que « le problème des idées » s’y est posé au commencement de l’ère « post-almohadienne ».

Bennabi s’est consacré inlassablement à la transformation de sa société, dans la mesure de ses moyens dont la modestie n’entamait pas sa détermination, convaincu qu’il était que c’est l’idée qui créé ses moyens et non l’inverse. La voie de la transformation réside dans la réorientation des idées directrices. C’est ainsi que, durant des années, il a animé le centre d’orientation culturelle à Alger où il s’efforçait d’initier les étudiants à l’analyse des problèmes de la société musulmane et de la société humaine d’une façon générale, les mettant en garde contre les faux problèmes introduits dans l’échiquier idéologique par ces sournois « observatoires idéologiques » dans le but de détourner la jeunesse musulmane des vrais problèmes et donc l’empêcher de leur trouver les vraies solutions. Car la vieille idée du « péril islamique » hante encore, hante toujours certains esprits et leur suggère les plans les plus machiavéliques et les manœuvres les plus diaboliques tendant à « occuper les esprits » par des pseudo-idées, faute de pouvoir occuper le terrain. Alors celles-ci portent les épithètes les plus divers, dont le plus à la mode est un certain «progressisme» qui n’ose pas révéler son véritable nom.

Le sort qu’ont connu les écrits de Malek Bennabi auprès de certaines maisons d’édition d’Europe et, il faut bien le dire, en Algérie même, en dit long sur l’ampleur de ce que Bennabi appelait « la lutte idéologique ». Tout comme le silence observé au sujet de sa mort, aussi bien par la presse qui se dit progressiste que celle qu’on dit réactionnaire, indique jusqu’où « l’union sacrée » entre les tendances idéologiques les plus variées, peut aller pour faire front commun contre certaines idées jugées non conformes par les uns et les autres. Alors qu’on voit les journaux les plus divers, des plus médiocres aux plus « brillants » ouvrir leurs colonnes aux éloges de certains littérateurs morts en même temps que Malek et dont la production littéraire n’a rien apporté de positif à la solution du problème de la culture dans le monde musulman, bien au contraire.

En Bennabi, le monde musulman a perdu un fils parmi les plus dignes de l’Islam, parmi les plus croyants au rôle civilisateur du message coranique ; un homme des plus conscients que leur mission est d’autant plus importante que le danger de soumission est grand, vient de mourir.
Car dans l’appel de Bennabi tout tourne autour de l’alternative : « Mission ou Soumission ». Il a choisi, quant à lui, d’être l’homme d’une mission. Il l’a été jusqu’à son dernier soupir. Il appartient à ses disciples de la continuer. Il est du devoir de toute la jeunesse musulmane d’en raviver la flamme.


In : « France-Islam » Thul Qa’ada 1393- 7e année- novembre-décembre 1973- n°81-82

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